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Entretien avec Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe

Interviews

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05.15.2025

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Tiré de Libnanews et rédigé par Nathalie Duplan  

Depuis le 3 avril et jusqu’au 4 janvier 2026, des photos, issues des fonds de la Bibliothèque Orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, sont exposées à l’Institut du monde arabe à Paris. L’occasion de rencontrer son président, l’ancien ministre français de la Culture et de l’Éducation nationale, M. Jack Lang.


Découvrir des photos de jésuites à l’Institut du monde arabe peut sembler singulier, même si cela illustre bien l’esprit d’ouverture qui vous anime.


Cela peut paraître prétentieux, mais je suis habité, depuis toujours, par un amour des gens, une attirance, une curiosité, un désir de connaître, de partager, d’apprendre. Toute idée d’exclusion m’est étrangère. Je viens d’une famille républicaine, laïque, mais ouverte à toutes les philosophies, religions, croyances ou incroyances. Comme président de l’Institut, j’ai d’ailleurs organisé trois expositions sur les trois religions monothéistes : une sur le pèlerinage de la Mecque, une autre sur les chrétiens d’Orient, avec la coopération du Liban, et la dernière sur l’histoire plurimillénaire des juifs d’Orient. Voilà ma philosophie. J’ai des défauts, mais au plus profond de moi-même, j’ai une passion pour les autres et pour les autres civilisations.


Un mot sur l’exposition « Photographier le patrimoine du Liban 1864 – 1970 » ?

Elle intervient dans le cadre du 150e anniversaire de la Bibliothèque Orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Une sélection est présentée, qui constitue un document rare, avec des paysages, des monuments, des scènes de la vie sociale du Liban, pour la période 1864-1970. Les jésuites de Beyrouth sont des collecteurs, des pionniers dans l’étude de l’archéologie et de la préhistoire libanaises. Ces clichés montrent plus que n’importe quelle parole comment le patrimoine architectural et culturel du pays s’est transformé. Et ce qui me réjouit et qui est merveilleux, c’est que la BO numérise ces clichés, avec le soutien de la Fondation Boghossian, et avec notre coopération française à travers l’Institut national du patrimoine, qui, entre parenthèses, est une de mes créations comme ministre.

Le recteur de l’USJ, le P. Salim Daccache, est un homme remarquable qui m’impressionne par son érudition et son engagement humain. Il me précisait qu’il y avait encore des milliers de réserves de clichés. Il s’agit donc d’une mémoire visuelle inestimable. Pour l’exposition, évidemment, un choix a été fait, tourné vers des sites emblématiques comme Byblos, Baalbek, Tyr, Saïda et des régions comme la Békaa, le Chouf, à travers des images historiques souvent inédites. Moi-même qui ai visité ces lieux, je trouve cela touchant.

Qu’est-ce qui vous touche le plus ?

Ce pays ancestral me touche. Quelles qu’aient été les circonstances politiques, le mandat, etc., il y a une réalité humaine, une réalité culturelle, une réalité aussi des paysages antiques. Nous préparons d’ailleurs une exposition sur Byblos, en lien avec le Louvre, qui se tiendra au début de l’année prochaine et qui va être fantastique. Elle devait avoir lieu il y a quelques mois, mais nous avons dû y renoncer à cause des bombardements israéliens sur le Liban qui rendaient le transport des œuvres trop risqué. Donc, nous avons reporté l’événement, d’un commun accord avec cette remarquable Direction générale des Antiquités (DGA) qui fait un travail exceptionnel.


Il y a une autre chose dont je suis très heureux. Je ne sais pas si j’ai le droit de l’annoncer : l’exposition « Divas » au musée Sursock à Beyrouth. Nous avons nous-mêmes conçu cette exposition sur les divas du monde arabe : Fayrouz, Oum Kalthoum, etc. Elle a rencontré un immense succès, et nous l’avons présentée à Amman. Grâce aux personnes extraordinaires qui animent le musée Sursock, et même si c’était très difficile, nous avons imaginé de la transporter à Beyrouth, au pays de Fayrouz. Nous avons cherché des mécénats, eux de leur côté, nous du nôtre.
Le musée Sursock accueillera « Divas » du 2 octobre 2025 au 4 janvier 2026. Je voudrais que ce soit un grand événement pour le Liban aussi et que des personnalités du monde entier viennent la voir.

Vous y serez ?

Bien sûr !

Comment est né votre amour pour le Liban ?

Étudiant, l’été, je partais, seul, visiter un pays de la Méditerranée. Je suis allé au Liban à 21 ou 22 ans, pour le découvrir et pour rencontrer des gens de théâtre, car j’étais un amoureux du théâtre. En faculté de droit, en 1958-1959, j’avais créé une troupe d’étudiants multiconfessionnelle. Au Liban, j’ai donc été reçu très aimablement dans le village de Rachana qui était animé par les frères Basbous, des sculpteurs merveilleux et des artistes. L’année suivante, ils m’ont invité avec ma petite compagnie. Nous avons joué une pièce d’Eschyle, Les Sept contre Thèbes.

J’avais également créé, à Nancy, un Festival international de théâtre étudiant qui est devenu, plus tard, le Festival mondial du théâtre. Et j’ai invité des hommes de théâtre libanais. Je suis tombé amoureux du Liban.
 

Voilà un peu mon tempérament. Cela ne veut pas dire que je comprends tout : il y a des civilisations que je ne connais pas, et j’ignore la plupart des langues. Si je refaisais ma vie, je serais linguiste.

Vous êtes un grand défenseur de la langue arabe.

Des langues en général.

Mais vous vous êtes mobilisé pour l’arabe.

Parce que je suis à l’IMA. Nous avons d’ailleurs créé le TOEFL de la langue arabe, une certification internationale de maîtrise de la langue arabe.

Vous avez déclaré souhaiter que cette langue soit enseignée en France dans le cadre républicain et non dans des officines, n’est-ce pas ?

Exactement. J’ai récemment échangé à ce propos avec la ministre de l’Éducation nationale, Mme Borne. J’ai insisté sur le fait que l’arabe est la cinquième langue du monde, c’est une langue unique : une langue de savoir, de poésie, de science, de connaissance, une langue à l’origine de la révolution scientifique.

Est-il juste de dire que l’esprit qui sous-tend toutes vos expositions correspond à votre
tempérament ?

Absolument. J’espère toujours. Je vais très souvent visiter l’exposition « Trésors sauvés de Gaza –5000 ans d’histoire », dont L’Œuvre d’Orient est partenaire. Je suis bouleversé par le public qui vient. Tout à l’heure, j’ai rencontré des jeunes qui prêtaient attention à chaque objet. C’est merveilleux de considérer qu’une exposition sur Gaza se tient actuellement et suscite un grand engouement. Hormis l’exposition, il y a aussi des conférences, des diffusions de films, des débats, des rencontres.

Je crois que je suis le seul président de l’IMA, ou l’un des rares, à être allé à Gaza. C’était juste avant l’immonde agression du 7 octobre 2023. J’y ai passé une semaine, accueilli par le remarquable Institut français. J’ai rencontré des artistes et des créateurs. Je suis allé à Saint- Hilarion. J’ai été très impressionné par l’attachement de la population de Gaza à son histoire, au patrimoine, à l’archéologie, et précisément à Saint-Hilarion. J’ai été reçu par M. Jawdat Khoudery qui a sauvé et fait sortir de Palestine des œuvres que nous présentons.
Chaque jour, je passe au moins une heure dans cette exposition pour parler avec les visiteurs et comprendre pourquoi ils sont émus. En fait, l’histoire c’est le présent. L’histoire, c’est l’avenir. Un peuple qui ignore son histoire est un peuple qui perd son âme. Et pour citer Régis Debray qui avait repris à son compte une formule de François Mitterrand : « L’histoire est révolutionnaire ».

Vous êtes à la tête de l’IMA depuis plus de dix ans, quels sont les défis qui se présentent et les souhaits que vous formulez ?

Pour moi, les défis sont éternels. Il y a tellement de choses passionnantes que j’aimerais réaliser.

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