Marie-Thérèse Chicha (FSE, 1968) : penser, agir, transformer

Professeure titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, Marie-Thérèse Chicha est une figure phare de la lutte pour l’équité salariale et contre les discriminations sur le marché du travail. Économiste de formation, elle a consacré sa carrière à comprendre, analyser et transformer les conditions d’emploi des groupes historiquement désavantagés, contribuant ainsi à l’évolution des politiques publiques en matière d’égalité.

Elle amorce son parcours académique à la Faculté des sciences économiques (FSE) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, où elle obtient en 1968 une licence française en sciences économiques. Animée dès ses débuts par un profond sens de la justice et de l’équité, elle poursuit ses études à l’Université McGill, où elle obtient un doctorat en économie. C’est à partir de là qu’elle affine sa réflexion et oriente ses travaux vers l’analyse des inégalités systémiques qui structurent dans le monde du travail.

Sa carrière débute à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, où elle se distingue par ses recherches pionnières. En 1989, elle publie Discrimination systémique : fondements et méthodologie des programmes d’accès à l’égalité en emploi un ouvrage majeur qui propose une approche interdisciplinaire mêlant économie politique, droit, sociologie et gestion des ressources humaines. Ce livre reste aujourd’hui une référence incontournable pour comprendre et appliquer les programmes d’accès à l’égalité.

En 1992, elle rejoint l’Université de Montréal, où elle joue un rôle clé dans l’élaboration de la Loi sur l’équité salariale, adoptée en 1996 par l’Assemblée nationale. À la tête d’un comité d’expertes mandaté par le gouvernement du Québec, elle contribue à définir un modèle de législation proactive, salué internationalement comme l’un des plus complets du genre. 

Quelques années plus tard, son expertise est sollicitée par le gouvernement fédéral canadien. En 2001, elle participe au groupe de travail chargé de repenser l’approche nationale en matière d’équité salariale. Les recommandations du rapport L’équité salariale : une nouvelle approche à un droit fondamental influenceront directement la loi fédérale adoptée en 2018.

Sur le plan international, son expertise est également reconnue par le Bureau international du travail (BIT), qui lui confie un rôle d’experte dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Elle y rédige Promouvoir l’équité salariale au moyen de l’évaluation non sexiste des emplois, un guide pratique traduit en plus de dix langues et utilisé dans de nombreux pays membres de l’Organisation internationale du travail.

Autrice prolifique, elle compte à son actif une centaine de publications et plus de deux cents communications scientifiques. Son engagement dépasse la recherche : en 2015, elle fonde l’École d’été sur l’immigration, l’intégration et la diversité sur le marché du travail, une initiative novatrice dans le paysage universitaire québécois. De 2013 à 2021, elle dirige également la Chaire en relations ethniques de l’Université de Montréal.

Les distinctions qu’elle a reçues témoignent de l’ampleur de son influence : le Trophée Femmes arabes du Québec (2014), le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne » (2015), le Prix ACFAS Pierre-Dansereau de l’engagement social (2019), le Prix Égalité Thérèse-Casgrain – catégorie Hommage (2020), et le Prix Hommage Droits et Libertés de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (2021). En 2022, le gouvernement du Québec lui décerne le Prix Marie-Andrée-Bertrand, pour sa contribution exceptionnelle à la promotion de l’égalité économique et sociale.

Aujourd’hui encore, Marie-Thérèse Chicha poursuit son engagement avec la même passion et la même rigueur. Guidée par la conviction que la recherche scientifique peut être un levier de justice, elle œuvre pour bâtir des sociétés plus inclusives et véritablement égalitaires.