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Karim Kassab (FS, 2014) a troqué les équations pour les fourneaux

Success Stories

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25/07/2025

Article tiré de l’Orient-le-Jour 

Il a troqué les équations pour les fourneaux, avant de les conjuguer à tous les temps. À 32 ans, Karim Kassab jongle entre ses restaurants de la rue Mouffetard et ses cours de maths à la Sorbonne, pour son plus grand bonheur. Rencontre.

La rue Mouffetard, c’est un peu son terrain de jeu, son Monopoly ! Après avoir ouvert Li Beyrouth en juin 2021 dans l’une des rues les plus anciennes de Paris, Le Double Pomme Café en janvier 2024 et, son tout dernier, Maison du Liban en juillet 2024, Karim Kassab a déjà dans le viseur sa prochaine cible, un établissement adjacent. « Dès que les propriétaires seront prêts à le vendre, je l’achèterai », affirme en toute franchise le trentenaire Libanais, attablé devant une chicha et un verre de thé à la menthe à la marocaine, « car c’est la demande de tous les clients qui viennent ici » à Le Double Pomme Café.

Pourtant, rien ne prédestinait le natif du village d’al-Rihan à Jezzine à la restauration et aux affaires. « Mes parents travaillaient à la Sécurité sociale libanaise », explique Karim Kassab, un air de premier de classe, lunettes sur le nez et polo vert sur les épaules. Né dans une famille de matheux, « normalement au Liban, il fallait être soit un docteur, soit un ingénieur, soit un avocat. Moi, j’ai choisi le docteur puisque j’aime les maths ! »

Sa licence de mathématiques de l’Université Saint-Joseph en poche, le jeune homme prend naturellement le chemin de la France pour poursuivre ses études, faute d’école doctorale en mathématiques au pays. Le voilà inscrit en master à la Sorbonne, sur le campus de Jussieu. Tous les midis, il déjeune dans la célèbre artère commerçante de la rue Mouffetard, et se prend à rêver que, lui aussi, un jour, y aura son propre restaurant.

Un buffet libanais à volonté

À la Maison du Liban de la cité universitaire, où il loge, il rencontre sa future femme, Farah Haïdar, également étudiante à la Sorbonne. Pendant que celle-ci effectue un doctorat en cybersécurité, Karim planche sur une thèse en analyse mathématique, « consacrée à la contrôlabilité des équations aux dérivés partielles », toujours à Jussieu.

En parallèle, il donne des cours et se découvre une passion pour l’enseignement, davantage que pour la recherche fondamentale. « Mais le seul point négatif, c’était le salaire », constate, réaliste, le jeune mathématicien. À la fin de son doctorat, en 2020, Karim Kassab occupe un poste d’ATER (Attaché temporaire d’enseignement et de recherche) à la Sorbonne quand survient le Covid et le confinement. Il se met alors à cuisiner, sa femme à déguster, et très vite le couple mûrit l’idée d’ouvrir un restaurant.

Rejoints dans l’aventure par un ami ingénieur télécom, Emmanuel, ils achètent alors un fond de commerce « à un prix très, très bas », puis les murs – « une aubaine », dans un immeuble datant des années 1600 sur la rue Mouffetard, très passante et animée. Ils mettent les 100 000 euros qu’ils ont rassemblés dans l’affaire et décrochent un prêt de la banque voisine. Karim officie en cuisine. Farah et Emmanuel en salle. « Ma femme travaillait chez Bosch à l’époque. Elle terminait son travail à 18h30 et assurait le service jusqu’à minuit, et ce pendant presque un an, parce qu’on ne pouvait pas recruter à l’époque. » Aujourd’hui, après l’ouverture des deux autres établissements, Karim Kassab emploie 27 salariés.

« C’était dur, mais ça a payé. On se lançait chaque fois qu’on trouvait une opportunité », explique l’entrepreneur mathématicien, échaudé par la crise financière au Liban et déterminé à ne pas laisser son argent en banque. « C’est une leçon qu’on a apprise du Liban, ne pas faire trop confiance à l’argent qu’il y a à la banque. » Le midi et le soir, Li Beyrouth ne désemplit pas. Il n’est pas rare qu’une queue se forme, attendant patiemment que le restaurant ouvre ses portes et son fameux buffet. Car Karim et ses associés ont choisi de proposer un buffet à volonté à prix unique (15,90 euros le midi en semaine, 19,90 euros le soir, le week-end et les jours fériés).

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Amour et rage pour le Liban

Dans ce lieu amical, les habitués viennent pour déguster les classiques de la cuisine libanaise, houmous, caviar d’aubergine, taboulé, salade d’aubergine, moussaka, chawarma, kafta, falafels, beignet aux épinards, au fromage… « Il n’y a pas de nouveautés. Ce sont vraiment les plats que les Français connaissent et apprécient. Donc on s’est adapté et ça a marché. »

Au point que Karim Kassab a ouvert un nouveau lieu en juillet 2024, un peu plus bas dans la rue, qui propose les mêmes produits qu’à Li Beyrouth, mais en version sandwich, avec du pain fait maison. « On l’avait appelé Saj Li Beyrouth, mais on a constaté que le mot ‘‘saj’’ n’attirait pas les Français. Donc on s’est adaptés. C’est toujours comme ça, dans le monde de la restauration, il faut s’adapter. Alors, on a changé le nom de restaurant, c’est devenu ‘‘Maison du Liban’’. Ce qui a augmenté trois fois la vente », se réjouit-il.

D’autant plus que le docteur en mathématiques a depuis repris une affaire qui roule, un café à chicha (nom du café) qui a déjà sa propre clientèle. « Il y avait juste à acheter des bonnes chichas du Liban (une centaine) et le meilleur tabac et c’est tout. Après, ça marche tout seul ! » « On fait de l’argent, on investit. C’est comme une partie de Monopoly », glisse encore le jeune entrepreneur, qui a pu, grâce à ses activités, ramener son père et son frère en France, pays auquel il est fier d’appartenir. « J’adore ce pays qui m’a donné une chance que le mien ne m’a pas donné », souligne-t-il amer.

La seule chose qui manque au Franco-Libanais, c’est bien évidemment le soleil et la Méditerranée. « J’adore le Liban, mais j’ai aussi une rage, dit-il avec franchise, revenant sur les galères qu’il a surmontées à son arrivée, en France, lui, le petit dernier chouchouté d’une famille libanaise, majeur de promotion. Au Liban, il n’y a pas d’avenir. J’ai dû partir et j’ai souffert ailleurs, surmonté des épreuves, dû être responsable de toute la famille, parce qu’on a perdu notre argent… »

Maintenant, il ne veut plus d’instabilité, plus de changements. « Nous avons trop souffert pour réussir à nous adapter. On ne peut plus le refaire. En tout cas, je n’ai plus envie de le refaire. J’ai 32 ans, c’est bon pour moi. Je sens que j’ai vécu comme si j’en avais 50. »

Le mathématicien a finalement trouvé une stabilité et une sécurité à Paris, dans ce quartier de la rue Mouffetard qu’il affectionne. Il a d’ailleurs repris au début de 2025 l’enseignement à la Sorbonne, avec bonheur et passion. « Après trois ans de coupure, j’ai retrouvé l’endroit où j’ai pleuré, où j’ai souri, où j’ai galéré, où j’ai échoué et où j’ai réussi. J’ai retrouvé toutes les émotions que j’ai vécues durant mes douze ans presque en France. » Et surtout, il souhaite pouvoir transmettre à son fils de deux ans son amour des mathématiques.

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