Marianne Saghbini (ISP, 2025) lauréate d'un concours d'éloquence de l’université Panthéon-Sorbonne.
« C’est une fierté d’avoir représenté le Liban et mon université, fierté de moi-même aussi, de mon propre parcours et de mes apprentissages », affirme, émue, Marianne Saghbini, diplômée de l'USJ.
En cette fin du mois d’avril, une heure avant la finale du concours, Marianne Saghbini (ISP, 2025) se tenait prête à affronter ses concurrents. « J’étais sur les marches du Panthéon, en train de répéter mon discours encore et encore, devant mes amis qui ont dû l’entendre au moins quarante fois ! » se rappelle-t-elle. À la coupole du Panthéon le moment venu, cette jeune oratrice de 20 ans a su se distinguer parmi les candidats français et internationaux en compétition. À l’issue des plaidoiries, le jury lui décerne le prix Révélation, aux côtés de trois autres étudiants qui reçoivent le Grand Prix, le prix de l’inspiration AUF et le prix du public.
« J’ai bien travaillé au cours des dernières années pour acquérir des capacités oratoires et atteindre ce niveau où je me sens à l’aise de parler en public, de faire porter ma voix et surtout qu’elle soit entendue. Donc remporter ce prix, c’est une forme de légitimation internationale de mon travail. C’est aussi une fierté d’avoir représenté le Liban et mon université, fierté de moi-même aussi, de mon propre parcours et de mes apprentissages », affirme, émue, Marianne Saghbini, qui vient tout juste de décrocher sa licence en sciences politiques de l’Université Saint-Joseph.
Lauréate en 2024 de la 9e édition du Championnat international de débat francophone de l’USJ, organisé en partenariat avec l’Agence universitaire de la francophonie au Moyen-Orient, elle a été automatiquement qualifiée pour le deuxième tour du Concours international d’éloquence, puis a participé à la demi-finale. Organisée par l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, cette compétition a réuni des étudiants de cette université ainsi que, grâce au partenariat avec l’AUF, des concurrents internationaux. Chaque candidat devait convaincre et persuader l’auditoire et le jury avec son discours, illustrant ainsi l’art oratoire.
Les finalistes devaient ainsi relever deux défis, l’un portant sur un sujet assigné par les organisateurs, et l’autre sur un sujet qu’ils devaient eux-mêmes choisir. Lors de la joute oratoire relative au sujet assigné, sur la problématique « Faut-il souffrir pour réussir ? », Marianne Saghbini devait défendre la réponse négative, un duel qu’elle a su remporter. Pour la seconde partie de la finale, elle a choisi de faire l’éloge de rien. « Je me suis dit que ce sujet pouvait être drôle ! » Ce qui la captive, en effet, c’est la capacité de ce sujet à faire rire et surprendre, lui permettant d’insuffler une touche d’ironie à son discours. « Avec l’éloge de rien, personne ne va s’attendre à ce que je vais dire, puisqu’il n’y a rien à dire en tant que tel. Je peux donner une définition, mais elle ne répondra qu’à elle-même, vu que définir rien, c’est n’avoir rien au final », s’amuse-t-elle à rappeler, reconnaissant avoir pris plaisir à jouer sur cette ambiguïté.
« Plus je travaillais sur le sujet, plus il m’intéressait. J’ai fini par conclure mon discours sur l’idée que rien, c’est en fin de compte tout, et se contenter de rien, c’est aussi avoir tout. Et donc faire l’éloge de rien, c’est intrinsèquement faire l’éloge de tout. C’était un sujet intéressant, mais assez compliqué à travailler aussi, qui a porté ses fruits en fin de compte », précise-t-elle.
L’une des clés d’un discours réussi, c’est qu’il fasse réagir le public
Habituée aux débats parlementaires à la tonalité politique basés sur des informations factuelles, elle a vite compris, au moment de la demi-finale, qu’elle devait changer d’approche pour ce concours. « La plus grande difficulté, c’était de réussir à intégrer les codes de ce genre de débat. J’ai dû regarder les concours des dernières années, comprendre leur manière de débattre pour apprendre à le faire », confie-t-elle.
Elle explique ainsi qu’il était question plutôt d’« arriver à faire monter ou descendre sa voix, à faire pleurer ou rire le public », avant d’ajouter qu’il s’agit de se mettre en scène, en espérant avoir la validation de l’auditoire. « C’était donc important pour moi d’intégrer ces techniques dans mon discours, et finalement, je pense que ça a plutôt bien marché, parce que j’ai vu beaucoup de sourires », se plaît-elle à raconter, convaincue que l’une des clés d’un discours réussi, c’est qu’il fasse réagir le public. « J’ai compris que dans les concours d’éloquence, il est important de jouer sur les émotions », comme par exemple de passer du rire au tragique et vice-versa, poursuit-elle.
Pour avoir réussi à décrocher le prix Révélation, Marianne Saghbini estime que différentes compétences ont contribué à ce succès. Pendant la phase d’écriture du discours, ce qui est nécessaire, c’est d’une part une recherche approfondie et une capacité de réflexion, et d’autre part une belle plume caractérisée par la maîtrise des jeux de mots, par un ton ironique et humoristique, ainsi qu’une sorte d’autodérision. Cette oratrice souligne qu’il est également essentiel de posséder un « esprit critique, sur soi-même comme sur ce que l’on écrit, d’arriver à repérer les failles dans son écriture et son raisonnement », afin d’anticiper les éventuelles critiques du jury. Quant à la présentation, elle exige « un contrôle de soi et de ses émotions, d’arriver à calmer son stress », face à « un public qui regarde, un jury qui juge et des coéquipiers qui veulent aussi gagner ». En parallèle, il faut « arriver à jouer sur l’intonation de sa voix, sur ses mouvements de main et son langage corporel ». Bref, il s’agit de posséder « une capacité oratoire et une bonne présentation de soi et de son discours », résume la lauréate.
L’art de l’éloquence, une affaire de transmission
Dès sa première année de licence en sciences politiques, Marianne Saghbini a intégré le club de débat à travers lequel elle a participé à plusieurs formations pour se préparer aux concours inter-facultés. « Je me rappelle ma première formation où je n’ai même pas réussi à parler deux minutes sur un sujet assigné, tellement je tremblais. Au fur et à mesure de ma participation aux concours organisés chaque année, j’ai fini par remporter le prix lors de ma 3e année. Il y a une grande différence entre ma première expérience de débat et maintenant, où je peux parler devant 200 personnes en toute aisance », se réjouit-elle.
Son intérêt pour les débats remonte à ses années de lycée, lorsqu’elle a initié le club de débat philosophique avec l’aide de son enseignant. Inspirée par les personnes rencontrées dans son entourage, des proches aux gens croisés dans la rue, en passant par ses enseignants à l’université, par leur façon de parler et d’interagir avec les autres, Marianne Saghbini entend clarifier le regard qu’elle porte sur l’éloquence. « J’ai un peu peur qu’on voie l’éloquence comme quelque chose d’élitiste. Pour moi, l’éloquence, c’est le chauffeur de taxi qui est capable de discuter d’un sujet politique avec de bons arguments, c’est le marchand du coin qui va savoir vendre ses produits, etc. Nous, les Libanais, arrivons à nous exprimer et à jouer sur les émotions pour atteindre notre objectif », estime-t-elle.
Cette diplômée en sciences politiques avoue également s’être imprégnée du discours de Dominique de Villepin à l’ONU, au début de la guerre contre l’Irak. « Il m’avait particulièrement touchée, dans ce qu’il défendait et sa manière de l’exprimer. Son discours est toujours présent dans mon esprit. Il m’avait donné envie d’intégrer ces mêmes capacités oratoires et de construire un dialogue où l’écoute et l’expression sont au cœur du sujet », affirme-t-elle. Cette année, la lauréate a été organisatrice, jurée et modératrice de la 10e édition du Championnat international de débat francophone de l’USJ, alors qu’elle avait occupé le poste de secrétaire générale du club de débat de l’université, lors de sa dernière année de licence. « C’était le début d’un nouveau parcours où j’accompagnais et guidais les étudiants », annonce celle qui porte un intérêt particulier à l’enseignement, à la transmission des connaissances, toujours prête à « apprendre aux autres les compétences de l’éloquence et du débat, pour les aider à améliorer leurs capacités et leur passer la torche ». Plus tard, dans le cadre de son parcours académique ou dans sa carrière, elle avoue que ses acquis lui seront toujours utiles. « L’éloquence, c’est tellement ouvert que ça ne s’applique pas uniquement à un cadre universitaire ou professionnel. Peu importe le parcours que je prendrai, j’utiliserai toujours l’art de l’éloquence et j’essaierai également au mieux de le diffuser auprès de ceux qui m’entourent », se promet-elle.
Marianne Saghbini est titulaire d’une licence en sciences administratives et politiques de l’Institut des sciences politiques de l’USJ, obtenue cette année.

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